Il regardait sa maison détruite pour la cinquième fois par les autorités de son pays sous prétexte d'illégalité et ne comprenait pas...
Quand je l'ai rencontré, il était en colère mais affirmait continuer d'aimer son pays. Il m'a affirmé « c'est ma terre et je ne vais pas baisser les bras ». Il a parlé de reconstruire encore et encore.
Sa femme, la tête couverte d'un foulard, acquiesçait du regard, tout en montrant les ruines de son mobile-home détruit la veille.
Depuis dix ans, j'ai couvert plus d'une fois ce genre de scène, de familles contemplant des ruines de ce qui était leur maison la veille.
Je l'ai fait dans toute la Judée-Samarie (Cisjordanie) pour des familles juives qui avaient construit des maisons sans autorisations des autorités mais la semaine dernière, la scène que j'ai vécue se déroulait dans le Néguev et mes interlocuteurs étaient bédouins.
Alors que plusieurs centaines de maisons juives sont menacées de destruction en Judée-Samarie, on estime à 64.000 le nombre de logements de bédouins illégaux ou non-reconnus selon la formule des autorités.
Les bédouins du Néguev qui sont plus de 200.000 vivent pour la moitié dans des villes reconnues par l'Etat d'Israël, tandis que l'autre moitié refusant de rejoindre les cités construites depuis 40 ans pour les accueillir continuent de vivre sur des terres domaniales dont ils réclament la propriété.
J'ai visité Rahat, la principale ville bédouine du pays, ses quartiers pauvres (ils le sont tous..) et ses bidonvilles dans lesquels s'entassent des familles entières, dans des conditions difficiles à imaginer.
J'ai rencontré son maire, un ancien éducateur qui m'a confié les problèmes de sa ville et ne m'a pas caché les difficultés pour ses services d'affronter la violence quotidienne, la paupérisation grandissante et le sentiment de discrimination de la part des autorités israéliennes.
Le lendemain, j'ai survolé le Neguev avec Meir, le patron de l'association Regavim qui lutte pour que l'Etat d'Israël conserve son autorité sur cette région et pour empêcher la poursuite des constructions illégales.
Il m'a parlé des problèmes de la société bédouine, notamment de la faiblesse de son leadership, du rapprochement avec l'Autorité palestinienne, de la violence dans la région (y compris des jets de pierres sur des véhicules israéliens), de la baisse du nombre de jeunes bédouins s'enrôlant à Tsahal, de la polygamie et aussi de la discrimination criante des autorités israéliennes envers ce secteur de la population.
Le « Jour de la terre », des centaines de bédouins s'étaient réunis à Al-Arakib, un village non-reconnu qui a été détruit 21 fois par la police israélienne, pour protester contre la politique du gouvernement. Accompagné d'un bédouin, ancien réserviste de Tsahal, j'ai visité les ruines de ce village et rencontré ses habitants. Pendant la manifestation, des discours violemment anti-israéliens ont été prononcés et des drapeaux palestiniens flottaient au vent.
«Ces drapeaux ne me plaisent pas, je suis israélien et je veux juste avoir les même droits que toi sur cette terre où je suis né », me confie discrètement Khalil, un bédouin vivant lui aussi dans un village non-reconnu.
Après quatre jours dans le Néguev, je suis arrivé à une seule conclusion partagée par tous mes interlocuteurs, juifs et bédouins, l'Etat d'Israël est face à un véritable défi, celui d’intégrer ses citoyens bédouins, sans perdre le contrôle d’une région, qui représente deux tiers du pays.